Convoyeurs de fonds : le bras de fer continue entre syndicats et transporteurs

Ecrit par Thierry Lauret – le samedi 8 février 2025 à 11H27

Selon l’intersyndicale CFTC – CFDT, des procédures de mises en demeure pourraient être engagées par la DEETS contre des entreprises locales de transport de fonds. Les syndicats avancent que la sécurité des convoyeurs n’est pas assurée et estiment que des représentants du personnel font les frais de procédures de licenciement pour avoir simplement rapporté des faits graves en commission départementale de sécurité.

Des camions blindés rouillés au point de laisser passer la lumière du jour, avec des portes qui se ferment mal ; des transferts de fonds opérés au bord d’une route, ou au fond d’un chemin en impasse ; des convoyeurs qu’on n’envoie plus s’entraîner au tir ou en formation obligatoire ; des véhicules de transport de fonds garés sur le parking d’un centre de dépôt, au lieu d’être enfermés à l’intérieur du bâtiment.

À grand renfort de vidéos ou de photos, des convoyeurs de fonds ont fait remonter ces derniers mois à leurs représentants du personnel des « dysfonctionnements graves », comme le mentionne un courrier adressé le 30 décembre dernier au préfet de La Réunion par une intersyndicale CFTC – CFDT. Celle-ci représente des salariés des trois entreprises du marché local : Brinks, RéuniVal et Keepway.

Des problèmes qui auraient été mis sur la table en présence de tous les acteurs concernés lors d’une commission départementale de sécurité en avril 2024, mais qui auraient été effacés ou atténués, selon les syndicats, dans le compte-rendu écrit de la dite réunion.

Considérant ne pas avoir été entendue, l’intersyndicale fait grève le 12 novembre et lève le mouvement après une entrevue avec la Direction du travail. Depuis, aucune avancée sur le dossier n’a filtré. Jusqu’à ce lundi 3 février, lorsqu’une délégation de l’intersyndicale CFTC – CFDT menée par Jean-Yves Hoarau a été reçue en préfecture.

 

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Lors de cet échange, les services de l’État auraient laissé entendre que des mises en demeure auraient été adressées aux entreprises dont les manquements seraient avérés. La création d’une « cellule de contrôle » aurait aussi été abordée, une structure que l’on suppose indépendante de la commission départementale de sécurité, dont la prochaine tenue est programmée le 16 avril.

 

« Ces accusations de non conformité sont non justifiées »

 

« La commission départementale de sécurité est trop fermée, il y a des suspicions de conflits d’intérêt », affirme Jean-Yves Hoarau, le secrétaire général de la CFTC, en indiquant par ailleurs avoir mandaté un avocat pour étudier l’opportunité d’une procédure au pénal afin de dénoncer le harcèlement dont seraient victimes deux délégués syndicaux menacés de licenciement. L’un deux, convoyeur de fonds à la Brinks, compte même trois procédures de licenciement engagées contre lui, selon Jean-Yves Hoarau.

 

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Sollicitée par Zinfos974, la préfecture ne confirme ni n’infirme d’éventuelles mises en demeure à l’encontre d’une ou plusieurs entreprises locales du secteur. « Les mises en demeure sont (…) instruites par la DEETS et sont soumises aux règles de confidentialité. De fait, elles ne sont pas accessibles ni au public, ni à la préfecture », relèvent les services de l’État.

Boris Chane Ki Chune, le gérant de RéuniVal, informe pour sa part ne faire l’objet d’aucune mise en demeure et réfute toute procédure bâillon visant à réduire au silence le délégué syndical de son entreprise. « Je déments formellement. Ce n’est pas une procédure abusive, c’est une procédure de licenciement pour faute. RéuniVal n’est pas en conflit avec la CFDT, ni avec le délégué. Il y a le salarié et il y a le représentant du personnel. C’est une seule personne, mais ce sont deux responsabilités différentes », répond Boris Chane Ki Chune.

« Dans les points que j’ai vu sur la revendication syndicale, la majorité d’entre eux n’avait jamais été abordée dans le cadre du dialogue social. On a amené en CSE des réponses à ces accusations de non conformité qui sont non justifiées », ajoute le gérant de RéuniVal.

Également sollicité, le directeur régional de la Brinks Patrick Liegard n’a pas souhaité s’exprimer, tandis que Jean-Claude Pennino, son homologue de Keepway, n’avait pas donné suite à notre demande au moment de la parution.

« La DEETS va peut-être sanctionner des entorses au code du travail, mais notre activité relève du code de la sécurité intérieure et c’est le CNAPS [Conseil national des activités privées de sécurité] qui a un pouvoir disciplinaire sur les employeurs. Malheureusement, il n’y a pas de contrôle du CNAPS au plan local », assure un convoyeur de fonds, un brin désabusé.

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