Innovation des entreprises: comment améliorer le crédit d’impôt recherche ?
8 octobre 2024 | Social
Alors que le nouveau gouvernement veut mettre en œuvre une baisse significative des dépenses publiques, les paramètres du Crédit d’impôt recherche (CIR) pourraient être revus. Ce dispositif, qui permet aux entreprises de déduire de leurs impôts 30% des sommes qu’elles ont allouées aux dépenses de recherche, constitue la plus importante niche fiscale de l’Etat. Pour la CFTC, le CIR a, de fait, renforcé l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers. Elle est toutefois favorable à ce que des ajustements lui soient greffés, en vue d’améliorer l’efficacité de la dépense publique et d’optimiser le financement de la recherche en entreprise, sans nuire à l’investissement.
Instauré en 1983 pour favoriser les efforts de recherche et d’innovation des entreprises françaises, le Crédit d’impôt recherche (CIR) constitue aujourd’hui la plus importante niche fiscale de l’Etat : en 2024, il avait ainsi exempté les entreprises œuvrant sur le sol français de 7,65 milliards d’euros d’impôt. Le gouvernement ayant annoncé vouloir réduire les dépenses allouées au budget 2025, le CIR pourrait faire partie des pistes d’économie envisagées. A l’heure où l’innovation constitue l’un des moteurs de la croissance, la CFTC estime que les dispositifs qui soutiennent la recherche – à l’image du CIR – doivent être maintenus. Toutefois, notre organisation considère qu’une réforme du crédit impôt recherche peut légitimement être entreprise, d’une part pour améliorer l’efficience de la dépense publique sans nuire à l’investissement, d’autre part, afin de rendre le CIR plus accessible, en particulier aux petites et moyennes entreprises (PME).
Un facteur d’attractivité efficace, mais perfectible
A ce titre, les mérites et limites du CIR doivent d’abord être mentionnés : en 2023, la France constituait le pays le plus attractif d’Europe pour les projets d’investissements internationaux pour les activités de R&D pour la 5e année consécutive. Une performance qui n’est surement pas étrangère au recours massif au CIR dans l’Hexagone. S’il a manifestement amélioré l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers, les bienfaits de ce crédit d’impôt sur le pur plan de la recherche sont en revanche plus contestés et contrastés : selon des statistiques communiquées par la Commission européenne, les performances de la France en matière d’innovation sont en réalité tout juste au-dessus de la moyenne des 27 pays de l’UE.
Pour la CFTC, des améliorations significatives peuvent donc être apportées au CIR. Aujourd’hui, ce dispositif permet notamment aux entreprises de déduire de leurs impôts 30% des sommes qu’elles ont allouées aux dépenses de recherche, dans une limite plafonnée à 100 millions d’euros. Au-delà de ces 100 millions d’euros, les montants investis ne sont plus exemptés que de 5% d’imposition. Les paramètres du CIR ont, dès lors, pu favoriser un recours dérégulé à ce crédit d’impôt, en particulier au profit des grands groupes : selon des récentes estimations du Conseil d’Analyse Economique, les besoins et objectifs annuels en R&D des grandes entreprises sont quoi qu’il arrive globalement supérieurs à 100 millions d’euros. En d’autres termes, le CIR subventionne à un taux élevé des investissements qu’elles auraient dans tous les cas réalisés.
Davantage cibler les PME, limiter les effets d’aubaine
Notons, au passage, que le Crédit d’impôt recherche se distingue significativement de certains dispositifs européens similaires, qui centrent davantage leurs moyens vers les PME : en Allemagne, le taux de déduction à l’impôt n’est ainsi « que » de 25 %, mais le plafond de dépenses éligibles au CIR est fixé à seulement 4 millions d’euros, toutes dépenses supplémentaires en R&D (qui suggèrent donc des moyens importants, dont seuls les grands groupes peuvent bénéficier) étant soumises à un taux d’imposition classique. Au Royaume-Uni, le taux de subvention est, quant à lui, de 33 % pour les PME, contre seulement 13 % pour les autres entreprises.
Pour la CFTC, le CIR doit rester un facteur d’attractivité pour les investissements étrangers, mais également cibler davantage les entreprises qui en ont le plus besoin. A ce titre, notre organisation appuie certaines des propositions que le Conseil d’analyse économique avait formulées l’année dernière : à enveloppe budgétaire constante, le taux de subvention du CIR pourrait ainsi être porté de 30 à 42%, en vue de soutenir davantage les TPE et PME dans leurs investissements de Recherche et Développement. En contrepartie, le plafond de dépenses éligibles au CIR devrait être réduit, de 100 à 20 millions d’euros (sans subvention possible, au-delà de ce seuil), afin que les grands groupes ne bénéficient plus des effets d’aubaine susmentionnés.
Favoriser l’innovation verte
D’autres évolutions du CIR peuvent par ailleurs être envisagées. Alors que la réindustrialisation du pays fait partie des priorités économiques du gouvernement, la CIR pourrait, par exemple, concentrer l’éligibilité de ses aides aux entreprises industrielles. Il ne s’agirait pas d’exclure les autres entreprises du dispositif, mais plutôt de le rendre plus aisément accessible aux firmes industrielles qui souhaitent investir dans la R&D. En outre, la CFTC estime qu’il pourrait aussi être intéressant d’introduire un mécanisme de conditionnalité en faveur de l’innovation verte : il s’agirait d’évaluer l’objet des dépenses éligibles au CIR, en les modulant en fonction du respect de critères qui répondent aux enjeux de la transition énergétique et écologique.
Si la CFTC ne prend pas à la légère les questions d’équilibre budgétaire, elle estime enfin qu’une réduction mécanique des dépenses affectées au CIR ne serait pas forcément productive. Avant de dégager des économies, notre organisation considère qu’il faut en priorité mieux cibler les dépenses en R&D des entreprises françaises, dans une logique d’amélioration de leur compétitivité. Face à une concurrence internationale exacerbée, l’innovation et la montée en gamme restent en effet des déterminants cruciaux de la croissance. Une croissance sur laquelle repose notre système de protection sociale, qu’il nous faut impérativement protéger et préserver.
AC